Dark City


Le film d'Alex Proyas a une postérité évidente: Matrix! En effet il est difficilement concevable, à la vision du premier de concevoir l'existence du second. Ironie de l'histoire, ce n'est pas forcément le scénario le plus ambitieux ni la mise en scène la plus élégante qui ont obtenu les suffrages du public.

Imaginez que vous vous réveillez dans votre baignoire, que vous ne savez plus qui vous êtes et qu'il y a un cadavre de femme gisant dans la pièce voisine... Imaginez que vous vous rendiez progressivement que vous êtes pris au piège d'une ville dont personne ne peut sortir, une ville que des extra-terrestres se plairaient à remodeler tous les soirs...

Telle est la situation dans laquelle se trouve notre héros. Bien malgré lui, sa quête de sa vérité va l'amener à la recherche de LA vérité. D'ailleurs le glissement de l'une à l'autre est extrêmement subtil tant l'écriture du film est réussie.

Quelques points forts du film:
Le visuel. La Dark City est magnifiée par une photographie somptueuse. Les décors servent habilement l'histoire. Ces années cinquantes suintantes de pluie et toujours nocturnes contribuent grandement à la création d'une ambiance à la fois lourd et morbide. Il n'est pas innocent de voir qu'une version décatie de l'apogée de l'american way of life serve de toile de fond. Cela souligne la nature du décor en lui rendant sa pleine valeur de signe.
Les influences. Elles sont nombreuses, affirmées et manifestement revendiquées. Allant de l'expressionisme allemand jusqu'au manga en passant par le surréalisme, A. Proyas nous offre un perpétuel tour de force visuel.
L'ambition. Une mise en scène dont les artifices visuels sont tous au service du scénario. Rare et remarquable en soi, non?

Mais l'ambition est surtout présente dans la narration et dans la multitude des thèmes abordés :
1. Le héros est-il fou? Est-il un assassin? Est-il seulement?
2. La création progressive de la vérité passe par la lente destruction de toutes les certitudes du protagoniste.
3. Ainsi sa possible culpabilité, son hypothétique histoire d'amour, son existence et ses souvenirs sont progressivement sapés par la découverte de la nature artificielle de ses souvenirs. Or le héros devient littéralement héroïque à partir du moment où il lutte pour faire de son existence quelque chose de réel, de certain. Tout est instable, sauf la quête et les souffrances du héros.
4. La fin du film est une genèse, la fin traditionnelle d'un parcours initiatique. On peut apprécier que le happy end n'est pas totalement satisfaisant. Après tout, cette ville (plate!) erre dans l'espace...

Deux scènes servent particulièrement notre propos.

La première est certainement la plus spectaculaire, c'est celle du tuning. Grâce à leur technologie, les extra-terrestres remodèlent la ville et ses habitants. Nous voyons les immeubles se tordrent et se fondrent alors que les existences des habitants changent.

La seconde est celle où le héros prend conscience de ce qu'il est, de ce qu'il n'est pas. Cette révélation (qui avait mené un policier à la folie). La scène, construite autour d'une série de flashback et de fondus enchaînés restitue la dureté de l'expérience tout en vantant la beauté de l'existence.