Caligari


Ce film allemand expressionniste (réalisé en 1920) est un chef-d'oeuvre. Point. Pas de négociation possible.

Le sombre Dr. Caligari (Werner Krauss) est un hypnotiseur. On le découvre dans une foire en train de présenter un somnambule du nom de Cesare (Conrad Veidt) qui lui obéit aveuglément. Le soir venu, Cesare devient un redoutable meurtrier. Mais l'est-il vraiment?

A l'instar de Metropolis de Fritz Lang et de Nosferatu de Murnau, Caligari est un film qui défie aujourd'hui encore, par ses choix esthétiques et sa matière, le spectateur contemporain. Il permet aussi, au passage, de relativiser la simple notion de modernité (on oubliera avec générosité le pâle remake américain.)

• Conçus par les artistes du groupe Der Sturm, les décors torturés -- en perspectives forcées -- servent admirablement le propos. Sommes-nous dans la réalité? Dans une représentation de la réalité? Ou dans l'esprit d'un sociopathe? Les trois interrogations ne cessent de rebondir et de se répondre mutuellement dans un jeu d'échos qui défie la compréhension rationnelle.
• En effet les symboles se multiplient à outrance. Les degrés de signification sont quasiment sans fin: doit-on prendre les images comme de splendides tableaux expressionnistes ou les exploirer dans la richesse de leur cadrage cinématographique?
• Le tout produit un formidable film manipulateur... La dernière scène met toute l'histoire, ainsi que toutes les hypothèses du spectateur en question (cela vous rappelle quelques succès récent, non? rien de nouveau sous le soleil!) Pire, cela se produit sans donner de clef définitive d'interprétation.

Alors à quel niveau de compréhension devons-nous nous arrêter? Aucune réponse n'étant à notre disposition, il ne nous reste, encore et encore, à revoir le film.