Abattoir 5


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Il est certain projet que l'on ose comprendre et encore moins accepter. Tel est celui de cette adaptation... Comment porter à l'écran un texte autobiographique aussi complexe et fantaisiste qu'Abattoir 5 ?

Seule la renommée du livre, et peut-être l'obstination de certains permet d'expliquer l'existence de ce film iconoclaste. un film qui pourtant est loin de me choquer dans la filmographie de celui qui fut à l'origine de L'Arnaque ou de Butch Cassidy et le Kid.

A première vue, le film n'est qu'une adaptation parfois lointaine, souvent riche et originale. Les aspects franchement autobiographiques sont transposés du narrateur au héros, la fin est subtilement modifiée, rien ne trahit l'oeuvre originale. En lui-même il n'apporte rien de nouveau sur le livre et n'en impose pas une relecture.

Sa démarche est plus insidieuse: il offre une illustration du texte. Mais oubliez les tristes adaptations de Balzac, Zola et autre Tolstoï que vous avez pu supporter dans votre prime enfance. Ici adapter signifie création plutôt que servilité.

Si l'auteur crée en se servant de mots, le metteur en scène lui doit avoir recours aux sons et aux images... Ce film en présente une merveilleuse illustration.

Vous en avez certainement déjà fait l'expérience: découvrir un film de science-fiction vieux de plus de vingt ans, peut-être un moment parfois terriblement pénible, souvent délicieux. Ici, il n'en est rien. A l'instar des périgrinations du héros à travers le temps, ce film semble intemporel...

A la complexité narrative du roman de Vonnegut, G. R. Hill répond par la complexité de la mise en scène:
lors de nombreux "sauts temporels", il utilise une seule bande son : les applaudissements de prisonniers de guerre américains correspondent alors à ceux, futurs, de convenables membres du Lion's Club local;
les dialogues se répètent, les flash-backs se multiplient afin de créer un sentiment de glissement perpétuel, de mouvement fluide, au sein de l'histoire de Billy Pilgrim, du temps, du rêve peut-être;
le visuel de ce film est éblouissant. Que ce soit la découverte de Dresde par les prisonniers (rendue par un montage alternant vues subjectives et précisions quasi documentaires) ou la bulle où les Trafamaldoriens ont enfermé Billy, les images ne sont jamais neutres. Les symboles semblent assaillir le spectateurs de toutes parts, à tel point qu'il se trouve placé dans un état d'hyper-vigilance des plus réjouissant...

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Mais tout cela va où ? Manifestement, la visée critique, quasi politique est évidente. Ce film a presque des échos célinien (en exagérant un peu) dans sa critique impitoyable, jubilatrice, méchante à force de pertinence, des travers d'une société américaine , de ses codes et de ses membres.

En mettant dos à dos les délires d'un hommes, les souffrances de l'Histoire et la médiocrité de la leçon retenue, cette oeuvre constitue un pamphlet à la fois novateur et libérateur...