Total Recall


Le film de Paul Verhoeven pose directement la question des rapports de l'homme et du réel. Mais il le fait avec une contrainte majeur : le film doit rester avant tout un véhicule pour sa star, Arnold Schwartznegger. Ce faisant le scénario est plus un prétexte à une vaste série de gunfights qu'autre chose. Sans être un grand film de science-fiction (le scénario a des failles et des incohérences larges comme les cuisses d'Arnold), il est un très agréable film d'action que Verhoeven parvient presque à pervertir.

Le doute de Quaid sur son identité est cohérent, soigneusement construit et visuellement mis en œuvre. Une mise langue quelconque affirmera sans mal que cela sert avant tout à pallier les limites du jeu d'Arnold...

Ce doute a pour conséquence directe que la nature même du réel va être mise en cause. Si je ne suis pas qui je crois être, le monde ne peut être également. Seulement, dans ce film, le conflit entre l'homme et sa conscience du monde vont se résoudre ballistiquement. L'action philosophique n'a sans doute jamais été mis en œuvre (au sens propre comme au figuré) de cette manière !

Cependant quelques scènes, plus ou moins discrètes, rendent l'ensemble cohérent.
le premier gunfight est la première étape de la révélation. Une superbe vue en plongée de Quaid, hébété, entouré des cadavres de ses agresseurs suffit à exprimer sa stupéfaction.
la scène de la pilule est certainement la scène la plus forte du film, la plus dickienne également. Devant faire le choix de son réel (la pilule est un poison ) ou accepter de réintégrer l'illusion qui s'est révélée à lui (la pilule est un médicament ), Quaid doit assumer son adhésion à un des deux réels qui s'offrent à lui. Encore une fois, Arnold oblige, la solution sera armée. Mais le temps de quelques images, Verhoeven distille brillamment le doute, l'indécision et le conflit.
le plan christique, vers la fin du film quand Quaid affirme définitivement accepter sa nouvelle personnalité, juste avant de régler son compte au bad guy, un plan montre Arnold, éclairé de dos, avec un léger halo blanc le couronnant. Discrètement, l'air de rien, sans prendre le risque de perturber son public, il fait de Quaid une figure christique, messie d'un nouveau peuple et d'une liberté nouvellement acquise.
le fondu au blanc final a été voulu par Verhoeven. Selon lui il renvoie à l'indécision final portant sur le choix de Quaid : est-il toujours prisonnier de la machine de Recall, prisonnier d'une fantasmagorie ? Encore une fois, le réalisateur a privilégié le happy end flagrant, cryptant presque les éléments les plus audacieux du scénario, afin de ne pas surprendre le public potentiel d'un film de Schwarzenegger...

Est-ce un film raté? Cela dépend entièrement de votre point de vue. Disons qu'il est par trop hybride pour totalement emporter la conviction, que chacun y trouvera de quoi se rassasier sans vraiment pour apprécier l'ensemble du plat servi. En cela il se situe dans la droite ligne de la filmographie de Verhoeven qui semble toujours s'attacher à noyauter ses films de l'intérieur.